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Le Lycée Français de Berlin - Seconde Guerre mondiale : un élève raconte

Français
Carte de l'Europe avec des élèves d'aujourd'hui regardent une photo de classe de 1935

Le Lycée Français de Berlin était une oasis et l'Allemagne était un désert

Le professeur von Hentig a été élève au Lycée Français de Berlin. C'était à l'époque du national-socialisme (1933-45). Il y est retourné, cette fois pour parler avec nous. Nous avons voulu savoir comment c'était pour les Français et les Juifs au Lycée Français pendant toutes ces années.

kartenspieler und FeuerwehrEn cours, vous parliez de la guerre ?

Non. Seulement entre amis. Je crois qu'il faut que je décrive les circonstances plus en détail : pendant la guerre, cinq ou six élèves des grandes classes devaient passer la nuit à l'école pour monter la garde. Si une bombe incendiaire tombait sur le toit, on pouvait la plupart du temps encore l'éteindre. On nous donnait pour ça deux marks par nuit, et c'était à qui aurait la place. Nous jouions à la belotte jusque tard dans la nuit et nous faisions nos rondes de contrôle pendant les alertes. Nous parlions naturellement de la guerre en de telles occasions – de quelle tournure elle prendrait et de si nous allions encore être appelés sous les drapeaux.

La dictature nazie, qu'est-ce que ça signifiait pour vous quand vous étiez enfant ?

J'avais la chance d'avoir un père qui s'y connaissait en politique. Il savait que les nazis étaient des imbéciles, et des barbares par surcroît ! Le 1er septembre 1939, il est rentré à la maison en retard. On était assis à table, on déjeunait et mon père ne disait rien, ce qu'il ne faisait jamais sinon. Il a mangé son potage – j'entends encore la cuillère tomber sur le bord de l'assiette, clic – et il a dit : « Il ne peut rien nous arriver de pire que de gagner cette guerre. » Ensuite il s'est levé et est sorti. J'ai vécu toute la guerre avec cette phrase en tête.

Est-ce que vous étiez au courant de ce qui se passait avec les Juifs ?

Verhaftung im Dritten Reich

Oui. Mon père travaillait au ministère des Affaires étrangères. Il recevait chaque jour toute une pile de nouvelles de l'étranger qu'il devait lire « dans le cadre de son service ». La plupart du temps, il les rapportait à la maison et les déposait sur son bureau, où j'avais l'habitude de faire mes devoirs. Je suis persuadé qu'il partait du principe que je lirais ces nouvelles. Comme ça, j'étais au courant et il pouvait en parler avec moi.
 

Il y avait aussi des Juifs dans votre classe ?

Oui, il y en avait beaucoup jusqu'en 1938. J'ai ici une photo de notre classe en 1935, avec la liste des noms. Vous pouvez compter combien il y en avait. Huit Juifs et un « demi-juif ». Je ne les ai pas tous connus. A l'époque où je suis arrivé, en 1937, un certain nombre étaient partis entre-temps à l'étranger.

C'était comment d'aller à l'école pendant la guerre?

Im Französischen Gymnasium: Hartmut von Hentig und die Kinderreporter des Bösen Wolfes

Vous allez rire : c'était bien ! C'était mieux que la vie « à l'extérieur » qui signifiait les files d'attente, les bombardements nocturnes, les abris anti-bombardement avec leurs odeurs de renfermé, les défilés dans les rues de la jeunesse hitlérienne qui chantait à tue-tête et, ainsi de suite. A 17 ans, c'était le service du travail obligatoire, et à 18 ans, on devenait soldat. Seuls les plus jeunes, les filles et les « demi-juif » restaient – nous étions les survivants pour ainsi dire. Et à l'école, on se sentait bien et à l'abri. Loin des tirades et discours haineux qui venaient des hauts-parleurs des places publiques.

Est-ce que certains de vos camarades sont morts pendant les combats ?

Oui. C'est d'abord arrivé dans les classes au-dessus de nous. Le premier s'appelait Volker Niemeyer. Sa mort m'a particulièrement touché. Nous, les plus jeunes, nous étions dans le club nautique du lycée avec les plus grands. Les plus jeunes, les poids plume, étaient au gouvernail et les plus grands ramaient. C'est là que Volker Niemeyer est devenu mon ami. Il est tombé dans les tous premiers jours de la guerre.

Widmung von Hartmut von Hentig

L'interview complet de Hartmut von Hentig >>>

Interview : Alina, Anastasia, David et Sidney
Dessins : David
Texte, dessins et photos © Grand méchant loup | Böser Wolf

 

 

Des élèves d'aujourd'hui regardent une photo de classe de 1935

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